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Philippe Mayaux
Né en 1961
Vit et travaille à Montreuil

La dernière vague, Le corps alloué, Le combat des chefs,
Mains d'œuvres, Menteurs, Le mur de l'ascension, Kirinoir
Chapelle de la Trinité, Cléguérec

Philippe Mayaux : Une figure de divergence
Tout intéresse cet artiste : nature des sciences, philosophies du mouvement, politiques individuelles, psychanalyse du chaos, écologie de la raison, histoire du besoin de croire, chanson des sirènes, formules des farces, recettes des trappes, effets sociaux et même l’art de la table et du caca. Tout ce qui peut améliorer l’entendement de sa conscience entre dans  sa palette ou devient son petit outil. En adepte du hasard, il ne veut rien négliger sachant que les petites causes ont toujours de grandes conséquences. C’est la force motrice de son univers, sa constante cosmogonique.
Il observe volontiers ces moments singuliers où, aspirant à découvrir l’impossible, l’homme au bord d’un lac inquiétant confond dans ses reflets une souche flottante avec Nessy.
Aspirant tant à croire, le sujet finit par voir inévitablement l’objet de son désir.
Il est de ce genre d’homme qui n’hésite pas à relire l’histoire des dieux à travers l’histoire géologique. Il pense que la culture sert justement à ça : comprendre que les mythes se fondent souvent sur les (faux) souvenirs traumatisants de catastrophes naturelles majeures. En effet, comment interpréter un tsunami au temps de Moïse sinon en y voyant l’intervention d’une puissance divine ? Comment concevoir dans l’esprit d’un certain Noé que la Méditerranée, se déversant dans la Mer Noire, commence à inonder son champ et ses vaches?
Il se rapproche d’une vision de l’évolution qui fait que la Nature, jouant avec le hasard, ne tend  pas nécessairement vers un dessin intelligent ou vers une perfection ultime comme l’accomplissement d’elle-même. Elle serait simplement pleine d’imagination.
Il adore ce dont tout le monde à horreur : le vide, endroit rêvé pour graviter autour d’attracteurs étranges. Il n’hésite pas non plus à admettre qu’un chat puisse être simultanément mort et vivant.
Grâce au hasard donc et à la relativité, il résiste à la purification esthétique, à la pacification des esprits. À travers son ambition iconoclaste et son désir de crise, il veut nuire à l’harmonie du monde et des choses, impatient d’agir selon un processus créatif antistatique fondé sur l’inspiration et l’imagination - même s’il génère du désordre. Il voit dans la pratique de l’art un système non linéaire, ultra-sensible aux variations de ses propres conditions initiales ; l’intérêt n’étant pas d’illustrer des constats universellement reconnus mais de tester des changements d’optique, d’éprouver des concepts, de simuler des dénouements
Ce transformateur hyper-critique ne fait pourtant pas directement appel au réel mais plutôt au langage - le sens n’ayant pas besoin de raison pour se manifester. Au contraire, il l’inscrit dans un système dynamique, se risquant à une métamorphose et à une furtivité permanente.
En fusionnant une obsession intellectuelle de la mort avec le jeu libre et instinctif de la vie, il manipule les gènes mêmes de sa conscience pour qu’elle se reproduise avec de nouvelles qualités. Car PM sent que l’humanité a un grand besoin de muter. Il a alors commencé le travail sur lui-même, en espérant.
Ce peintre de l’infra-mince (sa couche picturale dépasse rarement le micron) préfère le visible à l’intelligible. Conscient de l’existence des neurones rétiniens, il suppose donc que l’homme pense avec les yeux avant même que l’information ne parvienne au cerveau. En formulant des pensées sans émettre d’idées, il choisit un art métaphysique pour se protéger définitivement des slogans si pérennes. Il s’attarde méticuleusement sur des détails infra-minces, sur des effets secondaires, sur de l’insignifiant plutôt que de se diluer dans l’important et le général.
Il aime le visage de la Joconde avec sa bouche qui ne sourit pas et son regard enjoué de nous avoir berné, de nous avoir leurré d’une mimique naturellement impossible. Il en déduit que, si pour beaucoup les illusions deviennent des vérités, l’illusion en tant que telle est une des couleurs permanentes à poser sur sa palette des indispensables.

 Marcel Toussaint, “Philippe Mayaux : Une figure de divergence” in "Text(e)s", Editions Loevenbruck, Paris, 2009

 

http://www.loevenbruck.com/
Philippe Mayaux est représenté par la galerie Loevenbruck

Entretien radiophonique avec Philippe Mayaux
Réalisé en partenariat avec Radio Bro Gwened (www.radiobreizh.net)

 

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